Les habitants de Tombouctou sont eux aussi des trésors de l’humanité

14-09-2012

Les monuments ne peuvent fuir mais souvent les êtres humains doivent fuir pour leur survie.

Depuis janvier 2012, le conflit au Mali a contraint près de 232 000 personnes à trouver refuge dans les pays voisins, notamment au Burkina Faso (89.000), au Niger (52.000) et en Mauritanie (91.600). On dénombre par ailleurs quelques 167 000 personnes déplacées à l’intérieur du Mali. (Chiffres au 25/07 Burkina Faso 107929, Niger 52018 et Mauritanie 91604).

La situation au Mali empire chaque jour, de nouveaux afflux de population fuient le cauchemar au Mali tous les jours pour franchir les frontières vers les pays voisins. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) n’a pas reçu les financements nécessaires pour répondre aux cinq besoins les plus urgents : eau, sanitaire, protection, abri et soins de première urgence de ces réfugiés qui sont déjà sous la protection de l’Agnence.

« Les personnes vivent dans la crainte et elles fuient »

Amnesty International vient tout juste de publier un rapport détaillant les mois de terreur que les habitants du Nord du Mali ont vécu. Le rapport dénonce « des séries de violations des droits de l’Homme » perpétrées par les acteurs du conflit qui inclut le viol de femmes et de jeunes filles, la détention arbitraire et des exécutions sommaires.

Je viens tout juste de rentrer d’une visite dans le camp de Demba au nord du Burkina Faso, à quelque 50 kilomètres de la frontière avec le Mali. La plupart des 3900 réfugiés à Demba sont originaires de Gossi, dans la région de Tombouctou, quelques familles viennent de Gao, régions qui sont maintenant sous le contrôle des groupes islamistes.

J’ai parlé avec plusieurs réfugiés sur les épreuves au Mali et les difficultés de tenter de reconstruire leurs vies dans les camps ou les installations. Une réfugiée, Aïchatou, touareg âgée de 62 ans ; m’a raconté qu’elle avait été séparée de ses fils, l’un allant vers le Niger, l’autre cherchant refuge à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso et un troisième coincé près de Tombouctou au Mali. Elle n’a plus eu de leurs nouvelles depuis des semaines.

Elle a également emmené avec elle trois enfants de ses voisins qui ne souhaitaient pas quitter le Mali. « Malgré les difficultés ici, je suis reconnaissante de ne plus craindre pour nos vies ». Aminaou, âgée de 50 ans, a fui vers le Burkina Faso avec ses sept enfants « lorsque nous avons entendu que les attaques avaient lieu dans les villes principales au nord (début avril). Il y avait aussi des gangs armés qui rôdaient dans la région. Je ne voulais pas que mes enfants soient exposés à la milice, je voulais les protéger ».

La plupart des réfugiés dans les camps sont des nomades et préfèrent vivre dans des abris faits de branches et recouverts de bâches en plastique fournies par le HCR, plutôt que dans des tentes disponibles. Les conditions de vies sont rudes dans le désert, avec des agences telles que le HCR se démenant pour assurer les standards humanitaires minimum pour les réfugiés.

La situation du financement est critique, dans la mesure où le HCR n’a reçu qu’un tiers des fonds nécessaires cette année pour ses opérations au Burkina Faso, au Niger, en Mauritanie et au Mali. Ces insuffisances ont un impact : dans certains camps au Burkina Faso, les réfugiés ne reçoivent que neuf litres d’eau par jour qu’ils partagent avec le bétail qu’ils ont réussi à emmener avec eux. C’est bien en deçà des standards d’urgence qui sont de 15 litres, bien que nous devrions avoir pour objectif de leur offrir 20 litres par jour et par personne.

Le HCR a besoin d’argent pour être en mesure de construire plus de puits ou réhabiliter les sondes. Je ne peux qu’insister sur l’importance de la santé comme mesure de prévention, tout particulièrement pour les enfants qui sont déjà affaiblis par la sécheresse et la faim qui prévalent dans la région du Sahel. Nous ne devons pas permettre à cette situation de devenir encore plus tragique. J’en appelle aux donateurs pour agir rapidement afin que nous puissions aider les réfugiés maliens maintenant.

J’ai travaillé 25 ans en tant qu’ambassadrice de bonne volonté pour le HCR et en tant que militante des droits de l’homme et de la cause des réfugiés. Malheureusement, mon expérience me force à constater que la communauté internationale est souvent trop lente à réagir pour empêcher le conflit et ne fait que courir après les urgences alors qu’elles auraient pu être évitées. Devons-nous toujours attendre une épidémie mortelle, voir le nombre de morts grimper vers des chiffres astronomiques ou encore voir devant nos écrans de télévision des enfants malnutris avec des ventres rebondis et le voile de la mort dans leur yeux avant d’agir ?

Faites qu’il nous soit possible d’aider les réfugiés originaires du Mali maintenant : répondez à notre appel. J’en appelle également aux dirigeants du monde entier d’exercer la nécessaire volonté politique pour trouver une solution politique pérenne pour stabiliser la région afin que des réfugiés puissent rentrer chez eux, tels qu’Aïchatou avec ses fils. A long terme, nous devons empêcher le chaos et le conflit de se propager et devenir une menace pour la stabilité de toute la région.

Barbara Hendricks, Cantatrice et Ambassadrice de bonne volonté du HCR à vie

Carte Blanche parue dans Le Monde du 2 août 2012